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Le délire : questions de suivi avec la Dre Christina Reppas-Rindlisbacher

La Dre Christina Reppas-Rindlisbacher, gériatre et doctorante au Women’s Age Lab du Women’s College Hospital, a présenté un webinaire sur le délire en février 2023. Le délire est une condition grave mais répandue qui touche les adultes âgés et qui entraîne un changement soudain de leur état d’esprit. Ces effets se constatent principalement par des modifications de la mémoire, du raisonnement, de la capacité à rester vigilant et de la compréhension du temps et de l’espace.

Lors de ce webinaire, la Dre Reppas-Rindlisbacher a présenté un aperçu du délire, de ses causes, de ses traitements et de ses conséquences à long terme. Elle a aussi passé en revue les mesures que les familles et les aidants peuvent prendre envers leurs proches hospitalisés ou en attente d’une intervention chirurgicale. 

Comme toujours, les participants au webinaire ont posé beaucoup de questions. Voici quelques questions et réponses que nous n’avons pas eu le temps d’aborder pendant la séance.

Pour visionner le webinaire complet, allez sur le site de RTOERO Système de gestion de l’apprentissage.

Questions et réponses sur le délire


Q : Combien de temps dure le délire en moyenne?

R : En moyenne, le délire dure plusieurs jours et commence à s’améliorer dès que les causes sous-jacentes sont éliminées. Les symptômes les plus graves du délire disparaissent souvent en quelques jours, mais dans certains cas, l’effet de « cerveau embrouillé » peut persister plusieurs semaines, voire des mois. On estime que vingt pour cent des personnes atteintes d’un délire grave présentent encore des troubles cognitifs six mois plus tard. 

Q : Est-ce que le délire est susceptible de se produire à nouveau?

R : Oui, car l’un des principaux facteurs de risque de récidive du délire est le fait d’en avoir souffert par le passé.


Q : L’apparition du délire en milieu hospitalier aigu augmente-t-elle le risque de développer une forme de démence par la suite?

R : Oui, c’est le cas. Certains feront valoir qu’il s’agit de la problématique « de la poule et de l’œuf » et que les personnes atteintes de délire souffraient déjà de démence (qui n’était tout simplement pas encore évidente). Il est difficile d’affirmer avec certitude si le délire est une cause ou un simple indicateur de la démence. Cependant, nous disposons de données à long terme fiables démontrant que les personnes souffrant de délire ont un risque accru de développer une nouvelle démence dans le futur, et que celles déjà atteintes de démence voient leur maladie progresser plus rapidement en cas de délire.

Q : Quelle est la fréquence du délire en fin de vie?

R : Le délire est très fréquent en fin de vie. L’apparition d’un délire lorsqu’une personne est très malade peut parfois signaler qu’elle est en fin de vie. Ce n’est pas le cas de toutes les personnes en fin de vie, mais c’est assez répandu et cela peut s’avérer très pénible pour les familles. Plusieurs stratégies auxquelles j’ai référé dans ma présentation et que les familles peuvent utiliser pour soulager la détresse s’appliquent aussi au délire en fin de vie.

Q : Avez-vous observé le délire chez des patients cancéreux?

R : Oui, certainement. Le délire survient le plus souvent après une intervention chirurgicale ou une radiothérapie (en particulier du cerveau complet). Ces patients étaient généralement déjà fragiles ou présentaient une certaine déficience cognitive au moment d’avoir ces traitements. On parle aussi de « cerveau embrouillé » en raison de la chimiothérapie ou de « brouillard de la chimio ». Ce n’est pas l’équivalent du délire, mais cela peut tout de même causer de la détresse ou de l’anxiété.


Q : Si un adulte âgé subit une arthroplastie de la hanche, par exemple, les interventions chirurgicales effectuées avec des blocages rachidiens provoquent-elles autant de délire qu’une anesthésie générale? Les blocages rachidiens sont-ils plus sûrs?

R : C’est une excellente question. On pourrait croire que les blocages rachidiens provoquent moins de délire, mais plusieurs études sur les fractures de la hanche réalisées avec un blocage rachidien en comparaison à une anesthésie générale indiquent que le taux de délire était le même dans les deux cas. Cela suggère que pendant l’opération, d’autres facteurs (perte de sang, douleur, inflammation) causent le délire, plutôt que l’exposition à l’anesthésique en soi. L’une de ces études intitulée « Spinal Anesthesia or General Anesthesia for Hip Surgery in Older Adults » a été publiée dans le New England Journal of Medicine.

Q : Que peut-on faire pour les personnes qui sont le plus souvent dans un état non verbal?

R : C’est certainement une situation difficile et en pareil cas, je sollicite habituellement l’expertise de mes collègues orthophonistes. Tout dépend de l’état de la personne et de la raison pour laquelle elle est non verbale. Des tableaux de communication personnalisés avec des pictogrammes et décrivant les besoins peuvent parfois s’avérer utiles, tandis que la présence de membres de la famille ou de proches sera toujours utile.


Q : Comment arrêter le délire lorsqu’une personne voit des choses qui n’existent pas?

R : La situation peut être difficile, car rien ne peut supprimer les hallucinations à part les antipsychotiques et les sédatifs, qui comportent leurs propres risques d’effets secondaires.  La question de savoir s’il faut intervenir concernant les hallucinations dépend de leur degré de détresse. Par exemple, certaines personnes qui rapportent voir des insectes seront plus calmes si quelqu’un de confiance les réconforte et les rassure. D’autres resteront effrayés même lorsqu’on les réassure. Si le médecin s’inquiète de la détresse psychologique d’une personne ou si cette détresse amène la personne à se comporter d’une manière qui met en danger elle-même ou les autres, le médecin aura parfois recours à un médicament antipsychotique. Les effets secondaires doivent toujours faire l’objet d’un suivi attentif et ces médicaments interrompus dès que possible.


Q : Comment réagir face à une personne en délire si la réorientation ne fonctionne pas? Est-ce possible de « sortir » quelqu’un de son trouble délirant?

R : Malheureusement, il n’existe aucune façon de faire sortir quelqu’un de son délire. On suggère de rediriger la personne en douceur, de la rassurer et de l’orienter en fonction du lieu, du moment et des circonstances. Certaines personnes peuvent exiger du temps pour que la cause sous-jacente de leur délire soit identifiée, et le cerveau peut alors commencer à guérir.


Q : Que peut-on faire pendant un épisode de paranoïa extrême?

R : La réponse à cette question est semblable à la précédente. Lorsque la paranoïa survient dans un contexte de délire, on essaie toujours d’utiliser d’abord la communication, la réassurance et la présence de la famille. Si ces stratégies ne fonctionnent pas et que la personne est paranoïaque au point d’avoir des comportements mettant sa vie ou celle des autres en danger, des médicaments antipsychotiques sont parfois utilisés à faible dose et pour la durée la plus courte possible. 


Q : Est-il possible d’avoir accès à un bulletin d’information ou autres outils de communication du Women’s Age Lab?

R : Bien sûr! La plus récent bulletin d’information du Women’s Age Lab vient d’être publié et vous pouvez le consulter ici.